Non à la sédation-profonde-continue-jusqu’à la mort.
Les AFC-92 demandent aux députés qu’on ne bouscule pas la loi de 2005 et de voter contre la loi Clayes-Léonetti
Monsieur le député,
La proposition de loi Claeys-Leonetti qui va passer en discussion à l’Assemblée veut instaurer « sédation profonde jusqu’au décès » (art. 3)
Selon la législation actuelle, on peut procéder à des sédations en phase terminale, prévues pour être intermittentes (la mort pouvant intervenir cours d’une phase de sédation sans qu’on l’ait voulue). C’est la phase de la maladie qui est dite terminale et non la sédation.
Avec la nouvelle loi, il s’agit d’une « sédation à but terminal » dont il est dit qu’elle peut être « profonde et continue »: un endormissement pour que ça se termine ! La loi contient d’ailleurs une incise affirmant que «la nutrition et l’hydratation artificielle constituent un traitement » de façon à ce que la fin soit plus rapide !
Le médecin posera un acte qui décide que c’est la fin (au sens où il décide que ce sommeil sera le dernier de son patient) ; ou bien c’est le malade qui le demande puisque la loi l’envisage comme un droit. Le fait d’évoquer un droit est source de contentieux (comment le faire coexister avec le droit à l’objection de conscience de la part du médecin ?)
C’est bien une euthanasie lente que cette loi veut autoriser : moins violente que l’euthanasie directe, mais une euthanasie tout de même : une décision d’écourter la fin de vie, selon un plan arrêté.
Nous avons alerté Jean Léonetti sur ces sujets ; nous lui avions demandé pourquoi ne pas s’en tenir à la loi de 2005 et faire en sorte que le nombre de lits en unités palliatives soient augmenté ; mais il s’est contenté d’accuser réception sans répondre à nos interrogations.
Il semble que pour Jean Léonetti, l’important est donner l’impression que la loi de 2005 n’est pas abolie, or elle sera bien abolie si ce texte est voté. Il est clair que ce texte présenté pour satisfaire le PRG et l’aile gauche du PS est bien une loi d’euthanasie. D’ailleurs Alain Claeys parle explicitement de cette loi comme une étape. Nos familles adhérentes vous demandent de vous y opposer.
Veuillez agréer l’expression de nos meilleurs sentiments….
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La lettre que Jean-Paul Guitton (ancien Prés. de l’UDAF-92) – ci-dessous – a envoyée à Jean Léonetti n’a pas reçu de réponse (seulement un accusé de réception ici )
Monsieur le député,
Je voudrais vous exprimer la perplexité que partagent beaucoup de Français sans doute à propos de du rapport et de la proposition de loi que vous avez remis avec votre collègue Claeys (…)
Les conditions qui entourent en France la fin de vie constituent un souci de notre société. C’est le mérite de la loi dont vous portez la paternité que d’avoir, à l’unanimité, trouvé un juste équilibre entre le trop et le trop peu en la matière. Les différents observateurs ou experts s’accordent à reconnaître que c’est une bonne loi, qu’elle est trop peu connue et encore mal appliquée. Je vous ai vous-même entendu lors d’un colloque à l’Assemblée nationale le 1er février 2013 déclarer en substance : une nouvelle loi est inutile ; le code de déontologie suffit ; l’éthique est une interrogation, mais il faut laisser l’homme décider et, lorsque c’est nécessaire, le juge.
Tout récemment vous avez eu l’occasion de vous exprimer (La Croix du 5 décembre 2014) : vous y redites que « la loi [de 2005] est mal connue et mal appliquée » et vous résumez fort bien l’état de notre société « Aujourd’hui l’accessoire domine l’essentiel, l’instant efface la durée, l’individu prime sur le collectif et la réaction remplace la réflexion ».
Certes des améliorations restent à faire pour lutter contre le « mal mourir » en France et en particulier pour assurer le développement des soins palliatifs et de la « culture » des soins palliatifs, ainsi que la formation des professions médicales dans ce domaine.
Mais on comprend mal comment l’ouverture de « nouveaux droits » annoncés par les médias et présentés par le Gouvernement comme une « grande avancée » a pu recevoir votre caution.
Y a-t-il besoin de faire une loi pour assurer la prise en charge de la douleur des patients en fin de vie ? Si oui, c’est assurément que les médecins ne font pas correctement leur travail ! Si non, c’est qu’on ne nous dit pas la vérité : c’est qu’il y a autre chose que de soigner la douleur… qui pourrait peut-être s’appeler l’euthanasie, ou quelque chose qui y ressemble, et qui nécessiterait en effet une loi pour rendre la chose juridiquement possible ?
Quant au suicide, il n’y a pas besoin d’une loi pour l’autoriser. L’assistance au suicide pour sa part relève d’une autre logique, puisqu’il s’agit purement et simplement d’un assassinat, me semble-t-il. Vous me direz qu’il ne s’agit pas de cela, qu’on ne nomme pas d’ailleurs. Mais de quoi s’agit-il donc ?
J’en viens alors à poser au médecin que vous êtes la simple question suivante, à laquelle, si je suis bien informé, Hippocrate avait répondu : que ferez-vous le jour où des directives contraignantes vous conduiraient à abréger les jours de votre patient ?
Faudrait-il considérer comme une réelle avancée pour l’homme la définition d’un droit à mourir ? La mort n’est pas objet de droit (sauf, sans doute, dans le cas de la peine de mort qui a été supprimée dans notre pays). La très grande majorité des malades ne demandent qu’à vivre, et c’est le devoir de la médecine et de la société de les y aider. Je fais partie de ceux qui considèrent la mort comme faisant partie de la vie, elle en est l’ultime manifestation sur cette terre, et chacun a le droit de la vivre pleinement. Or, on peut craindre, avec la proposition de loi nouvelle, que l’on prive délibérément ceux qui s’en réclameront de « vivre » leur mort, et que l’on transforme en « auxiliaires de mort » les personnes qui y seront associées.
Dès lors je suis de ceux qui pensent que le nom du docteur Léonetti, associé jusqu’à présent à une bonne loi sur la fin de vie, risque dorénavant d’être associé à la promotion de l’euthanasie dans notre pays.
Croyez-bien que je le regrette profondément.
Le Président Hollande souhaite une loi consensuelle : elle ne le sera pas. Elle ne fera qu’exacerber des tensions entre ceux qui regretteront cette « avancée » et ceux qui voudront toujours aller plus loin, c’est-à-dire légaliser l’euthanasie. Si cette nouvelle loi devait être votée, on assisterait tout d’abord à un concert d’applaudissements. Mais on peut déjà augurer que, dans les mois qui suivront, de nouveaux cas particuliers dramatiques seront montés en épingle et fortement médiatisés pour expliquer que la loi ne va pas assez loin, car elle ne s’applique pas à telle ou telle personne. La difficulté à laquelle ce projet n’échappe pas, c’est de vouloir édicter une loi, c’est-à-dire une règle à portée générale qui s’applique à tous les cas particuliers imaginables et sur lesquels il est facile de susciter la compassion des foules.… (datée du 18 /12/ 2014)