(tribune publiée en grande partie dans Valeurs Ac. du 12/2) Face à la manifestation de communautarisme dans certaines écoles suite aux attentats de janvier, la réponse des socialistes a de quoi surprendre. On aurait pu s’attendre à ce qu’ils s’interrogent sur la politique qu’eux mêmes et l’administration de l’Education Nationale ont suivie de façon constante depuis trente ans: démission devant le développement d’une contre-culture dans de nombreux collèges ; valorisation du multi-culturalisme ; manque de soutien aux professeurs en cas d’indiscipline ; refus d’exclure les élèves après des actes violents dans les collèges, etc. Au lieu de cet examen de conscience, on a entendu le président de la République annoncer le 21 janvier « qu’un enseignement moral et laïc va entrer en vigueur dans toutes les classes » dès septembre 2015.
Sur la morale, on sait déjà qu’il ne sera pas question de bien et de mal – ces termes n’apparaissant pas dans le texte d’orientation du futur « enseignement moral et civique ». Quant à l’enseignement laïc, s’agira-t-il simplement de rappeler que l’Etat ne subventionne pas la construction de lieux de culte ni ne rémunère les ministres du culte (sauf en Alsace-Moselle) ? Ou bien expliquera-t-on les subtilités de la distinction entre associations cultuelles et associations diocésaines ; de l’affectation gratuite et permanente des églises propriétés des communes au desservant désigné par l’évêque ? Surement non ! Il ne se réduira pas non plus au rappel de l’impartialité de l’Etat vis-à-vis des différentes religions. Car c’est une laïcité de combat qui est prévue avec une « célébration d’une journée de la laïcité » dans toutes les écoles ainsi que l’organisation d’un « parcours éducatif citoyen » (selon les termes de Vallaud-Belkacem) imposé aux élèves.
Sous couvert de laïcité, il s’agit en fait d’inoculer aux élèves les bases d’un laïcisme militant : dans la vision socialiste classique, toutes les religions contiennent en germe une violence implicite qui menacerait les droits individuels et les acquis de la modernité. Les dérives intégristes seraient toujours sousjacentes aux religions et pour juguler cette violence, il faudrait combattre les « préjugés ». Ce qui explique d’ailleurs pourquoi nos ministres ont absolument voulu faire croire à l’existence de violences lors des grandes manifestations du début 2013 (quitte à les susciter) afin de mieux faire l’amalgame entre le refus de la loi Taubira par les chrétiens et les réactions intégristes (nécessairement violentes).
Ainsi donc va se mettre en place à l’Ecole un laïcisme qui se camoufle derrière une doctrine du respect des valeurs républicaines. Cette doctrine est d’autant plus stricte que les dites valeurs sont floues. Ainsi, de quelle liberté d’expression parle-t-on quand on sait qu’en France elle est très encadrée (pour ne dire orientée) ? De quelle égalité parle-t-on quand on sait que « l’égalité des droits » est un dévoiement flagrant de l’égale dignité de tous devant la loi ? Peut-on encore parler d’amour de la France quand les cours d’histoire n’évoquent plus Charlemagne, Saint Louis, Jeanne d’Arc, Louis XIV et Napoléon qu’avec une grande discrétion ?
De plus, on peut légitimement s’inquiéter du choix des « référents laïcité » qui devront enseigner les faits religieux si ces référents n’ont aucune sympathie pour les religions. Et à partir de quel critères les « avocats, journalistes et acteurs culturels » seront-ils choisis pour encadrer le « parcours citoyen » ? Comment ce dernier sera-t-il ressenti dans les banlieues chaudes si ce n’est comme une propagande dans le seul but de forcer à l’obéissance aux lois et aux différents règlements.
Contre le communautarisme, au lieu d’enfourcher le cheval du laïcisme, l’Education Nationale devrait plutôt inculquer aux élèves le respect de l’autorité représentée par les maîtres et convaincre le corps enseignant du bien-fondé de la transmission de la culture française (mais cela implique de mettre aux oubliettes les inébranlables théories de Pierre Bourdieu). Ce combat est difficile mais pas impossible comme le montre l’exemple du cours Alexandre-Dumas à Montfermeil en Seine-Saint-Denis dont la pédagogie inspirée du scoutisme et de Don Bosco est faite de rigueur et de respect de la discipline. Dans cet établissement hors contrat recrutant à 98 % dans la communauté musulmane, le respect de l’autorité des maîtres est la condition sine qua non imposée aux familles. La minute de silence en mémoire des victimes de janvier y fut respectée sans difficulté.
R. Sentis