Suite du feuilleton. L’Eglise de France prend position : la loi Coutelle, ce serait une atteinte aux principes de la démocratie

Dernière minute: Déclaration de Mgr Pontier  (lettre au président de la République publiée le 28 nov au soir)

… Certains de nos concitoyens, réunis en associations, ont décidé de consacrer de leur temps, notamment par le biais des instruments numériques, à l’écoute des femmes hésitantes ou en détresse par rapport au choix possible d’avorter. Ils compensent ainsi l’absence d’organisation de lieux d’écoute. Leur succès prouve qu’ils répondent à une attente… Leur positionnement incite à la réflexion, et c’est justement ce qui leur est reproché. Il faudrait qu’ils adoptent d’emblée un positionnement favorable à l’avortement. Or, un sujet si grave ne peut être enfermé dans des postures militantes.

Cette proposition de loi met en cause les fondements de nos libertés

et tout particulièrement de la liberté d’expression qui ne peut être à plusieurs vitesses suivant les sujets. Faudrait-il nécessairement exclure toute alternative à l’avortement pour être considéré comme un citoyen honnête ? Le moindre encouragement à garder son enfant peut-il être qualifié sans outrance de pression psychologique et morale ?

En fait, la proposition de créer un délit d’entrave numérique à l’IVG contribuerait à rendre cet acte de moins en moins « volontaire », c’est-à-dire de moins en moins libre.

Surtout, elle constituerait, malgré ce qu’affirment ses dépositaires, un précédent grave de limitation de la liberté d’expression sur internet. Une limitation d’autant plus grave qu’elle touche à des questions de liberté de conscience. Cela me semble être une atteinte très grave aux principes de la démocratie.

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L’ancienne rédaction de sa proposition de loi étant clairement inconstitutionnelle, Catherine Coutelle l’a modifié à la hâte. Elle a fait une nouvelle rédaction, présentée devant la Commission Parlementaire du 23 novembre, qui réécrit l’article L. 2223‑2 du code la santé. Lequel devient (en gras l’ajout fait par la proposition Coutelle)

Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une IVG  – soit en perturbant de quelque manière que ce soit l’accès aux établissements [hospitaliers ou centres planification familiale]  – soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements, des femmes venues y subir ou s’informer sur une interruption volontaire de grossesse ou de l’entourage de ces dernières, par tout moyen de communication au public, y compris en diffusant ou en transmettant par voie électronique ou en ligne, des allégations, indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse.

Tout cet article concerne ce qui a lieu à l’intérieur des établissements visés. Mais, comment mettre en rapport l’activité dans un établissement avec les « moyens de communication au public » ? Il ne s’agit bien sûr pas de communication à l’intérieur de l’établissement !

En effet, l’exposé des motifs officiels indique « Ces menaces [contre les femmes qui veulent avoir recours à l’IVG] s’exercent principalement sur internet. Le présent amendement vise donc à punir ces comportements, qu’ils aient lieu directement ou par le biais d’internet. »

On est bien dans deux dispositions complétement différentes évoquées dans la même phrase : les menaces ayant lieu dans les établissements et les positions prises sur internet (ou par voie de presse, car en droit il n’y a pas de différence entre les deux voies) ; le terme de «sites anti-IVG» utilisé par Coutelle le montre bien.

Si « par inadvertance » le Conseil Constitutionnel acceptait un texte aussi ambigu et pernicieux, ce serait un instrument d’intimidation qui permettrait de faire planer en permanence des menaces de plainte devant les tribunaux pour tout article de presse.

C’est bien une remise en cause de la liberté d’expression sur cette question puisque serait passible de prison « toute diffusion d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur… sur l’IVG ».

Le 1 décembre, la plupart des socialistes (qui n’arrivent à se rassembler que sur ce type de sujets)  et Philippe Vigier, président du groupe parlementaire UDI, accorderont leur soutien à ce texte liberticide.

Nous publierons sur ce site la liste des députés qui auront voté pour.

L’opposition se mobilise pour le 1 décembre.

Christian Jacob, chef du groupe LR à l’Assemblée, a indiqué lors de sa conférence de presse du 29 que son groupe était opposé à la loi Coutelle au nom de la défense de la liberté d’expression. « Il y a un problème constitutionnel très clair [car] on est clairement dans une entrave [à cette liberté] … A partir du moment où on n’est pas dans la ligne du gouvernement ni d’un site officiel, on serait condamnés, imaginez que l’on élargisse cela, c’est juste invraisemblable ». Il a aussi dénoncé « la pensée unique et des tons moralisateurs des socialistes ».

Le député LR Jean-Frédéric Poisson a déposé un amendement de suppression «au nom de la liberté d’expression». «Au moment du vote de l’état d’urgence, j’avais proposé un amendement sur la suppression des sites djihadistes, qui avait été retoqué. On voit bien là la hiérarchie des maux révélatrice de la mentalité socialiste», s’indigne le président du PCD. «Si le gouvernement faisait un travail réel d’information sur les conséquences réelles de l’IVG, les associations n’éprouveraient pas le besoin de le faire», argumente-t-il. Les députés LR Nicolas Duicq et Michèle Voisin ont signé également son amendement.
«Police de l’opinion»
Pour Hervé Mariton, qui a lui aussi déposé un amendement de suppression, «ce dispositif de la gauche qui s’appuie sur l’idée de pressions psychologiques est périlleux pour les libertés publiques.» «Comment définir le périmètre de ces pressions sans tomber dans la police de l’opinion?», s’interroge le député. «En matière d’IVG, la loi Veil est un point d’équilibre. Toute la loi Veil, rien que la loi Veil», estime le député qui pense que tout changement constituerait une dérive. Mais comme Jean-Frédéric Poisson, il déplore le manque de mobilisation de la droite parlementaire sur ce sujet : « les débats de ces dernières semaines ont montré, qu’en matière de prise de conscience idéologique, il y avait encore des progrès à faire à droite», lâche le député.
Le député de la Manche Philippe Gosselin a lui aussi déposé un amendement de suppression.
Marion Maréchal Le Pen a elle aussi proposé la suppression du texte. «Castro est mort mais des groupies reprennent ses bonnes vieilles méthodes de censure de la liberté d’expression», lance la benjamine de l’Assemblée, qui a déposé quatre amendements dont l’un de surpression. Elle a déposé un amendement avec l’autre député FN Gilbert Collard demandant aux médecins demander «une confirmation écrite» en cas de volonté d’IVG.
Le député-maire d’Orange et président de la ‘Ligue du Sud’ Jacques Bompard a fait du combat contre cette loi son cheval de bataille : il y voit une «promotion de la culture de mort» et a déposé lui plus de 50 amendements.

« Cette proposition de loi scandaleusement attentatoire à la liberté d’expression et à la liberté des femmes » déclare Christophe Billan, président de Sens Commun (LR).

Madeleine de Jessey, membre du bureau politique de LR, évoque l’objectif avoué de Coutelle : supprimer les «sites anti-IVG» c’est-à-dire ceux qui ne sont pas dans la ligne du gouvernement, elle a écrit une très bonne tribune dans Le Figaro Vox  ici

Autres position d’évêques.

Récemment, le Conseil « Famille et Société » de la Conférence des évêques de France a publié un texte écrit par Mgr Aupetit sur les conséquences de l’avortement ; voir sur le site du diocèse de Nanterre (ou le télécharger comissio_fam_societ_refutations_a )

Sera-ce censuré par la loi Coutelle ?

Rappelons que le Cardinal Vingt-Trois affirmait au sujet de ce texte le 30 septembre : «  Parce que toutes les personnes qui ont subi un avortement savent que ce n’est pas un acte banal, que c’est un acte traumatisant non pas premièrement physiologiquement mais humainement et psychologiquement et que c’est un acte grave qu’on ne peut pas prendre à la légère… Si on arrive à interdire de s’exprimer sur les conséquences de l’avortement, on entrera complètement dans la police des idées et dans la dictature d’une vision totalitaire ».

Et le 26 novembre sur KTO, il affirmait

Si cette loi passe « C’est une guerre de religion où il est visible que l’objectif est de faire la promotion de l’avortement comme issue normale d’une grossesse.  [S’il y a un lieu où règne] une certaine anarchie c’est bien internet. Qu’est-ce qui pousse le gouvernement à choisir le thème de l’avortement pour y faire des opérations de police ?« 

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