Note de Mgr d’Ornellas et du groupe ‘fin de vie’ sur la loi Claeys-Leonetti

La prochaine loi Claeys-Léonetti va bouleverser la déontologie médicale avec l’instauration d’un « droit à mourir ». Voici l’essentiel de la récente Note rédigée par Mgr D’Ornellas et le Groupe de travail sur la fin de vie concernant cette future loi.

(note publiée le 20 janvier que l’on trouver sur le site  //eglise.catholique.fr )

Nous saluons avec admiration l’effort des équipes médicales et des bénévoles qui, avec compétence et dévouement, accompagnent au quotidien des personnes en fin de vie ainsi que leurs proches. Leurs pratiques attestent la pertinence des soins palliatifs. […] Nous rappelons que la Loi dite « Leonetti » donne un cadre médical, éthique et juridique adapté pour la plupart des cas rencontrés. Votée à l’unanimité, elle exprima une unité nationale. L’expérience des dix dernières années en matière de soins palliatifs en confirme le bien-fondé. Elle a été appelée la « voie française », inspiratrice de nombreux pays.[…]

 I – Développer une culture palliative : une cause nationale prioritaire

Nous poussons un cri d’alarme : il est urgent de développer fortement, pour tous les soignants, les formations à la médecine palliative, et d’accélérer l’extension des soins palliatifs et de structures qui en permettent l’exercice à domicile….

Nous alertons les politiques : ne prenons pas le problème à l’envers ! Il serait erroné de penser résoudre le « mal mourir » par la seule création d’un nouveau « droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès ». Ce droit ne supprimera pas les causes de ce « mal mourir », mais génèrera, s’il est pris isolément, un « mal vivre » plus profond, ainsi que de nouvelles inquiétudes et angoisses chez nombre de nos concitoyens.

Nous souhaitons ardemment qu’émerge une « culture palliative » qui favorise une réflexion apaisée et des choix paisibles sur les questions de fin de vie. Pour une telle culture, le respect de la dignité de l’être humain en sa vulnérabilité constitutive demeure le fondement de l’art médical.Ce respect implique le soulagement de la souffrance, le refus de l’« obstination déraisonnable », l’interdiction de l’euthanasie et la prévention de tout suicide qui, en aucun cas, ne peut résulter d’une assistance médicale […]

Aucune loi ne pourra jamais résoudre par elle-même tous les cas singuliers. Les recommandations de « bonnes pratiques » sont essentielles au jugement médical. Celles-ci, dans le cadre de la loi, sont validées par la mise en commun des expériences et peuvent sans cesse être améliorées. Il serait dommageable, voire dangereux, que la loi, en s’immisçant dans l’exercice de la médecine, empêche la mise au point de ces « bonnes pratiques » […]

II – Droit à la sédation : tenir compte de chaque situation et de la fluctuation des souhaits

La sédation, qui a pour but de faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient après avoir proposé ou mis en œuvre l’ensemble des autres moyens disponibles, est déjà pratiquée dans le cadre actuel du droit des patients à être soulagé de leurs souffrances. Mais elle ne fait pas actuellement l’objet d’un droit spécifique. Nous voulons attirer l’attention sur différents aspects de la sédation telle que la promeut le « nouveau droit » inscrit dans la proposition de loi de MM. Jean Leonetti et Alain Claeys.

  • La création de ce nouveau droit peut contribuer à rassurer le malade tout au long de son parcours de soin.

  • Cette création n’est juste que si elle s’accompagne d’une cohérence entre le droit et la formation dispensée pour les professions médicales et infirmières. En effet, celles-ci sont chargées de mettre en œuvre ce traitement conformément aux recommandations de « bonnes pratiques » de la médecine palliative. Le droit doit donc nécessairement les intégrer et ne peut se penser indépendamment d’elles[…]

  • Selon la proposition de loi, le critère de la « demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas prolonger inutilement la vie » (art. 3) englobe toutes les souffrances, y compris les souffrances psychiques et existentielles pour lesquelles la notion de « souffrance réfractaire au traitement » se pose pourtant de manière différente. Il serait très grave que ce critère conduise à minimiser l’accompagnement psychologique et « existentiel », et contribue à instaurer dans la société l’idée que la vie d’une personne atteinte d’une affection grave et incurable est aussitôt jugée « inutile » et dénuée de sens

  • Le droit à la sédation profonde et continue, s’il est voté et promulgué, risque de contribuer à une instrumentalisation du médecin au service de la volonté du patient et à une forme de déresponsabilisation. Pour exercer la responsabilité inhérente à son métier, le médecin, dans le dialogue fondé sur un pacte de confiance entre lui et le patient (ou en prenant en compte ses éventuelles directives anticipées ainsi que l’avis de la « personne de confiance » et des proches quand il ne peut pas s’exprimer), doit pouvoir juger des traitements les plus appropriés dans le respect de la déontologie qui condamne les pratiques euthanasiques. Dans le cas où le patient ne peut pas exprimer sa volonté, l’association systématique de la sédation à l’arrêt des traitements de maintien en vie éliminerait le jugement du médecin qui est pourtant chargé de trouver le mode de prise en charge le plus adapté.

La proposition de loi supprime la référence au principe du double effet. Peut-être est-ce dans le but d’éviter d’éventuels problèmes déontologiques et juridiques liés aux indications de la sédation profonde. Cependant, le souci d’éviter les procès ne doit pas dispenser de réfléchir à l’objectif poursuivi (« intentionalité » ou « intention ») par la prescription de la sédation et, plus généralement, de tout traitement. La mort ne peut jamais être directement voulue ! La dignité de l’intelligence humaine consiste à réfléchir à un objectif délibérément voulu (soulager la souffrance) et au choix compétent des moyens qui y conduisent, tout en reconnaissant que ces moyens peuvent avoir une conséquence non voulue (abréger la vie)…. L’absence de clarté dans l’objectif de soin engendre un malaise dans les équipes soignantes.

III – Les directives anticipées : clarifier les conditions de leur rédaction

Nous pensons qu’il est nécessaire de clarifier les conditions de rédaction des directives anticipées dans le respect de la liberté. Pour cela, il faut i) Valoriser leur rédaction, sans la rendre obligatoire, en prenant en compte les trois rubriques mentionnées : générale, avec connaissance de la maladie, partie libre. La liberté du patient, comme celle de tout être humain, n’est réelle que si elle est éclairée. Inciter clairement à « parler » de ses futures directives anticipées avec les proches, et à les rédiger dans le dialogue avec les médecins, sans se contenter de remplir des formulaires.[…] ii)Conforter la possibilité pratique de pouvoir les changer librement à tout moment en veillant aux conditions réalistes de ce changement pour une personne en grande vulnérabilité. Par respect pour la liberté, ne faudrait-il pas, comme dans la loi actuelle, maintenir leur révision périodique ? iii) Valider la possibilité de ne pas les appliquer quand le médecin, dans le plein exercice de sa responsabilité, les juge non appropriées. Les conditions de ce choix et du nécessaire processus collégial doivent être clairement précisées.

IV – Limitation et arrêt de traitements : respecter la dignité intrinsèque de l’être humain

Nous estimons que le problème majeur réside dans la réflexion sur la limitation ou l’arrêt des traitements, afin que l’accompagnement de la personne jusqu’à sa mort ne devienne jamais un « faire mourir ». En ce sens, il conviendrait de

a) Préciser les critères de l’« obstination déraisonnable » qui demeure déterminante pour la limitation ou l’arrêt de traitements[…]

b) Encadrer de façon stricte le critère du « seul maintien artificiel de la vie » qui, n’ayant pas de définition claire, peut donner lieu à de nombreuses dérives. Il faut régler son usage par des recommandations de « bonnes pratiques » (Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs, Haute Autorité de Santé), en reconnaissant ces trois règles éthiques communes fondamentales :

Aucun critère de compétence ou de capacité relationnelle ne peut définir l’humanité de l’être humain.

La constatation d’un état irréversible ne suffit pas à qualifier le soin prodigué de « déraisonnable » ni la vie humaine d’« inutile ».

Bien que qualifiées de « traitement » par la proposition de loi, l’alimentation et l’hydratation artificielles, dont les indications sont souvent distinctes en fin de vie, ne peuvent pas être d’emblée jugées comme des moyens relevant de l’« obstination déraisonnable » ou comme « n’ayant d’autre but que le seul maintien artificiel de la vie»[….]

Enfin, nous voulons faire les remarques suivantes sur les cas de l’arrêt de traitement des patients en état de conscience minimale ou en « état d’éveil sans réponse » :

  • De façon générale, la décision finale qui sera prise après la délibération collégiale devrait rester médicale pour ne pas faire peser sur la famille le poids d’une décision grave et irréversible, tout particulièrement en néonatologie. Certes, le droit pourrait reconnaître une hiérarchie dans les avis des proches pour régler les litiges en cas de désaccord familial, mais il serait important d’envisager une procédure de médiation avant de déclencher une procédure judiciaire. Si l’autonomie naît et grandit dans la relation, on ne peut prendre soin d’un patient sans prendre soin de son tissu relationnel dans lequel il vit ou a vécu.

  • L’alimentation et l’hydratation artificielles, même si elles sont qualifiées de « traitement », posent des questions spécifiques notamment en raison de la force symbolique de la nourriture. Même donnée par l’intermédiaire de moyens artificiels (biberon, cuillère, perfusion, etc.), la nourriture maintient en vie tout en maintenant la rencontre et le lien entre les humains, même en l’absence de manifestations de capacité relationnelle.

  • Sauf motifs permettant de juger de leur caractère disproportionné, l’alimentation et l’hydratation artificielles sont dues aux patients en état de conscience minimale ou en « état d’éveil sans réponse ». Lorsqu’apparaissent des défaillances graves de l’organisme ou des complications impliquant une intervention médicale ou chirurgicale lourde pour ces patients, il convient de réévaluer l’« obstination déraisonnable ». En ce cas, la décision de l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielle doit prendre en compte le bien de la personne dans le tissu relationnel qui est le sien… Chaque situation mérite un discernement approprié, qui ne peut être édicté comme une norme.

V – Vers la fraternité

Nous concluons par un appel à la « fraternité » qui est notre urgent devoir commun… Si la citoyenneté exige l’égalité d’accès de tous aux soins palliatifs, elle appelle aussi la « fraternité » qui donne sens à l’accompagnement et au devoir d’en acquérir la compétence pour un juste respect des personnes vulnérables...

Pour tous, le soin prodigué à autrui avec solidarité et fraternité, dans l’épreuve de la maladie et de la mort, est un lieu privilégié d’apprentissage de ce qu’est « la vie bonne ». L’accompagnement d’une personne en fin de vie ouvre souvent les yeux à la transcendance dont chaque être humain est porteur dans sa vulnérabilité même….

Pour les croyants en Dieu, comme pour les chercheurs d’infini, cette ultime étape n’est pas un non-sens mais une autre rencontre. Dans le respect de nos libertés, Dieu, le maître de la vie, nous convie à prendre soin les uns des autres par l’amour et la tendresse, par un accompagnement ajusté et « fraternel », digne de la grandeur inouïe de tout être humain qui s’en va vers son éternité.

Outre Mgr d’Ornellas, les signataires sont Mgr Michel Aupetit, évêque de Nanterre ; Dr Marie-Sylvie Richard, xavière ; Dr Claire Fourcade ; Dr Alexis Burnod ; P. Bruno Saintôt, s.j. ; P. Brice de Malherbe

Note sur les vautours de la bien-pensance.

Suite à une décision de justice en septembre, le ministère belge de la Justice avait affirmé que l’euthanasie serait appliquée le 11 janvier à F. Van Den Bleeken, violeur réciviste, meurtrier, condamné à perpétuité. Mgr Aupetit profite de cette actualité pour rappeler quelques points forts. Extrait de son intervention (9 janvier sur KTO) :

A les belles âmes ! les cœurs généreux ! Nos amis belges dans un élan de compassion sans égal vont euthanasier [F. Van Den Bleeken]… [Pour lui,] la seule chose que les vautours de la bien-pensance estiment digne : réclamer le droit de mourir.

Non, non, ne dites pas ce que c’est une abominable hypocrisie !! … Quelle farce !! ..

Après avoir légalisé dans ce beau pays l’euthanasie des malades et des vieillards à qui subtilement on fait comprendre qu’il serait mieux pour tout le monde qu’ils demandassent à partir proprement, c’est-à-dire qu’on les fassent mourir de façon aseptisée, on est passé à l’euthanasie des enfants qui ne demandent rien d’autre que la vérité, la tendresse et l’ouverture à l’espérance ; enfin vient celle des prisonniers. A qui le tour ?

Mais, c’est extraordinaire ! je viens d’apprendre qu’à 5 jours de l’euthanasie, les médecins belges ont décidé de renoncer. A quelle joie de savoir qu’il existe encore une déontologie dans le corps médical !

 

Face aux vautours de la bien-pensance et pour la Vie jusqu’à la mort naturelle, les AFC participent à la Marche pour la Vie le 25.

Une réflexion au sujet de « Note de Mgr d’Ornellas et du groupe ‘fin de vie’ sur la loi Claeys-Leonetti »

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