Reconnaissons-le, dans ce livre il y a un discours direct, frais du pape. Ainsi, parle-t-il de deux sujets tabou dans les médias français, l’implosion démographique qui affecte l’Europe (« devenue une grand-mère », elle doit être mère) et l’avortement (« Un péché grave, le meurtre d’un innocent. Mais, si péché il y a, il faut faciliter le pardon »).
Cependant différents indices nous font penser que le texte n’a pas été corrigé dans son intégralité par le pape :
Il y a des phrases qui s’arrêtent en leur milieu, des erreurs manifestes (« en espagnol, 40 % des mots sont arabes », taux de fécondité italien « de 0,5 % »), des fautes de vocabulaire (il y a « danger de ne condamner que la morale sous la ceinture »). Par ailleurs, dans l’introduction, Dominique Wolton écrit une phrase sibylline « le pape a évidemment lu le manuscrit » mais il n’a pas écrit « relu » °.
C’est curieux ! On nous répondra que ce n’est pas un texte magistériel mais seulement une retranscription d’entretiens oraux. Soit ! Mais alors, n’en tirons de conséquences péremptoires, comme le fait Wolton.
Ainsi, dans son interview à la Croix, ce dernier affirme que pour le pape « le credo sur la famille, tout le monde le connaît et il faut le préserver, mais il faut aussi savoir l’adapter aux réalités du monde actuel ».
Ainsi, Wolton va se prévaloir de son statut de sociologue pour porter un diagnostic « scientifique » sur ce qu’est la famille et pour expliquer comment il faut « l’adapter au monde actuel » .
De plus, nous sommes sidérés d’apprendre dans Paris-Match que le pape « mène les batailles essentielles à ses yeux ; celle contre l’hypocrisie … de la réforme de la famille » (Wolton divague)
Il faut en fait noter qu’ici le pape nous redit que « le mariage, c’est un homme et une femme », critique fermement la théorie du gender et nous exhorte à relire Amoris Laetitia avec sa vision du mariage clairement dans la ligne de Jean-Paul II.
En fait, la sociologie ne peut rien dire de la réalité du mariage, elle peut seulement décrire des pratiques concernant des mariages. Alors que l’Église, elle, nous donne des repères anthropologiques (comme celui de la différenciation et de la complémentarité des sexes) que nous devons proposer au monde.
De plus, celui qui est fier de son agnosticisme est-il le mieux placé pour interpréter la pensée du pape ? On remarque quelques bourdes de sa part. Par exemple, alors que le pape parle de Jésus toute les deux pages, Wolton dit dans un de ses interviews « le pape ne m’a pas parlé de Dieu ! » (Concile de Nicée inconnu ?). Ou encore, sur le thème de la rigidité et du traditionalisme, figure un passage où il est écrit « Comment grandit la tradition », mais on ne sait pas s’il est question des traditions ou de la Tradition ; important tout de même !
Cela dit, Wolton reconnaît qu’après ses rencontres au Vatican, il comprend mieux que « l’espace-temps de l’Église » n’est pas celui du monde. En effet, l’échelle de temps auquel se soumet le monde médiatico-politique est de l’ordre du jour ou du mois (dans le meilleur des cas) alors que la réflexion de l’Église ne se fait qu’à l’échelle de l’année voire du siècle. De même, l’Église a toujours été une institution qui accepte la mondialisation et qui en est profondément marquée depuis la Pentecôte (« Parthes, Mèdes, Elamites…»).
Souhaitons donc à l’auteur de ce livre et à tous les sociologues siégeant dans les comités Théodule de la République de découvrir l’enseignement multiséculaire de l’Église, en particulier sur le mariage et la famille.
P.S. La lecture de cet ouvrage est rendue pénible par les interventions prétentieuces de Wolton qui saute du coq à l’âne tout le temps. Vous pouvez économisez 21 euros en relisant Amoris Laetitia et par exemple le Jésus de Nazareth de Benoît XVI.
° Notez que Wolton s'est cru obligé d'écrire dans Paris-Match "Quand il a relu l'ouvrage, il n'a rien censuré, il a juste fait des ajustements".."
Une réflexion au sujet de « Le livre de Wolton d’entretiens avec le pape : n’en tirons pas de conclusions péremptoires »