À 61 ans, une Américaine, Cecile Eledge, vient de donner naissance à sa petite fille, Uma ! Elle avait en effet accepté de porter l’enfant de son fils Matthew, « marié » à un autre homme, Elliot. Un vrai conte de fée : une mère qui qui peut enfin être grand-mère alors que, son fils étant homosexuel, elle avait sans doute fait une croix dessus à contrecœur; une sœur qui partage son bonheur d’avoir de jeunes enfants en donnant ses ovocytes à son frère, et bien sûr ce couple homosexuel plein d’amour qui obtient enfin son enfant tant désiré !
De fait, il n’y a rien de mal dans tout cela, si on se contente d’une morale a minima du style “il n’y a pas de mal à se faire du bien”, ou encore “ma liberté s’arrête où commence celle des autres”.
Alors pourquoi cette histoire nous choque-t-elle ?
Peut-être parce que nous nous demandons malgré tout comment Uma va appeler celle qui est à la fois sa grand-mère et sa mère (porteuse) ; celle qui est à la fois sa tante et sa mère (génétique); celui qui est à la fois son père (adoptif) et son oncle ; et enfin celui qui est à la fois son père (génétique) et son demi-frère (puisque porté par la même mère qu’elle). Comment va-t-elle pouvoir se situer par rapport à ces personnes ? On peut déjà imaginer sa difficulté à se construire comme femme en étant élevée par deux hommes, mais là c’est encore bien plus compliqué !
Alors certes, la résilience de l’être humain est telle qu’on peut espérer qu’il surmonte de telles difficultés : mais pourquoi lui imposer dès la naissance un tel challenge ?
Sur le plan éthique comme sur les plans écologique et financier, on ne pourra pas indéfiniment vivre à crédit en reportant sur les générations futures le poids de notre inconduite…
Par ailleurs, comment ne pas penser à un inceste, même si ce n’en est pas un sur le plan génétique ou celui de l’acte sexuel ? L’inceste est avant tout un interdit social qui fait partie des fondements de la société.
N’oublions pas aussi, même si c’est malheureusement le cas général de la fécondation in vitro, la dimension eugéniste d’une telle démarche : 7 ovocytes donnés par Léa, la soeur d’Elliot, ayant été fécondés, Matthew et Elliot ont acheté un test génétique pour ne retenir que 3 embryons, tous filles. Le médecin a certes, eu la sagesse de n’en implanter qu’un seul dans le ventre de la mère, mais quid des autres ? Quatre ont déjà été détruits et les deux autres sont congelés, en réserve pour le cas où le couple voudrait d’autres enfants…
Il ne faut pas non plus sous-estimer tous les risques encourus: par la mère porteuse, vu son âge (le Collège national des gynécologues et obstétriciens français estime à 45 ans l’âge limite raisonnable pour accoucher; au-delà, les risques augmentent, notamment d’un problème cardio-vasculaire qui peut avoir un impact sur la santé de l’enfant) ; par la sœur également : elle indique avoir souffert de la stimulation ovarienne, mais celle-ci aurait pu avoir des conséquences plus dramatiques sur sa santé, et par contrecoup, sur les très jeunes enfants donc elle avait la charge.
Cette affaire réunit ce que l’humanité a de meilleur (la solidarité, en particulier familiale) et de pire (l’apprenti sorcier qui expérimente de nouvelles technologies sur les êtres humains, notamment les plus faibles). Derrière de belles images d’unité familiale, se dessine la monstrueuse perspective d’une humanité éclatée, pour ne pas dire explosée…